Terre des affranchis
de Liliana Lazar

critiqué par Ddh, le 17 octobre 2009
(Mouscron - 84 ans)


La note:  étoiles
UNE ROUMANIE QUE L'ON NE CONNAÎT PAS
A la lecture de ce roman, l’on se sent catapulté dans un autre monde à la fois proche de nous mais tellement différent. Ces Roumains que Liliana Lazar nous fait découvrir sont bien des Occidentaux mais tellement loin de notre façon de vivre.
Il y a la période communiste et l’après Ceausescu. On passe à la démocratie, mais quelle démocratie ! On prend les mêmes, sur les frontons des domaines publics on supprime « république socialiste » pour ne garder que « Roumanie ». Et la corruption est toujours présente. Les puissants ? le brigadier Simion Pop, commissaire de son état qui essaie de faire régner la justice, le pope orthodoxe Ion Fatu qui abuse de son pouvoir et qui profite de la crédulité du petit peuple qu’il manipule. L’auteure nous fait entrer dans le monde de la magie avec Ismaïl le tzigane et ses allures de sorcier et La Fosse aux Lions, un lac aux vertus surnaturelles. Elle introduit la spiritualité avec Daniel l’ermite.
On tombe sous le charme de cette nature riche, envoutante, personnifiée par la forêt profonde.
Le lecteur est pris par cette histoire aux allures fantastiques mais qui restitue aussi la vie quotidienne dans un village roumain. La progression dramatique donne même des accents de thriller. Les descriptions précises amènent le lecteur à visualiser des scènes parfois crues mais dénuées de trivialité.
La main de Dieu ou la main du Diable ? 8 étoiles

Le village de Slobozia est le théâtre de mystérieux meurtres qui ne cessent d'effrayer et de révolter le peuple roumain. L'inquiétude est d'autant plus forte que l'on ne retrouve pas toujours les cadavres. De plus, les légendes populaires et les superstitions laisseraient à penser que le meurtrier pourrait être le Diable en personne ou un moroï, une âme en peine. Tout ceci repose en fait sur la crainte des villageois suscitée par un sombre lac au fin fond d'une forêt.

Liliana Lazar explore la vie roumaine de la seconde moitié du vingtième siècle. C'est ainsi que l'on peut croiser la Securitate, la peur engendrée par Ceaucescu, des hommes d'église malhonnêtes, des comportements primaires ... Les personnages que peint Lazar sont typés et rappellent les individus classiques des contes : il y a Victor le personnage principal, Ismail le tzigane sorcier, Ion Fatu le pope manipulateur, Simion Pop le policier ballotté entre les croyances populaires et la réalité, Daniel l'ermite qui s'est installé aux abords du fameux lac ... Le roman prend tout son sens si l'on lit précisément l'épigramme de Daniel au début du roman. Dès le départ, la sainteté et le salut sont évoqués et auront un lien inévitable dans la suite du roman.

C'est un roman hybride qui mêle fantastique et réalités rurales. C'est une oeuvre qui peut prendre aussi parfois des allures de roman policier. Les descriptions du lac sont superbes ( surtout la dernière ), elles basculent souvent dans le fantastique et ce gouffre aquatique devient sujet à toutes les fantasmagories. L'on suit les personnages avec curiosité. Le criminel semble échapper constamment au jugement des hommes. Est-ce la main de Dieu ? La main du Diable ? C'est sans doute le point qui m'a le plus captivé. Que penser de ce criminel qu semble protégé par une entité invisible ?

Un roman fascinant qui tisse des liens entre un épisode sacré ( Saint Daniel ) et des crimes sordides en Roumanie. Le Clezio et les multiples prix littéraires reçus pour ce roman ne se sont pas trompés. Il s'agit d'un grand roman.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 25 février 2012


Gentille histoire d'un individu qui n’assume pas ses actes 4 étoiles

Le livre est découpé en courts chapitres de 4 à 6 pages dans un style fluide.

En toile de fond est décrite l’histoire contemporaine de la Roumanie, du communisme à la démocratie avec l’omniprésence de la religion dans un petit village en bordure de forêt niché au bout d’une route.

Il y a un petit aspect fantastique avec une certaine personnalisation d’un lac qui aide le personnage principal car il le nourrit et la complicité mystérieuse d’un tzigane vivant dans un terrier.

L’auteur raconte l’histoire de la vie de Victor, de l’enfance à la maturité, sans jugement pour les actes qu’il commet envers ses semblable qui sont présentés comme un enchaînement malencontreux de circonstances. Outre un léger ennui, c’est ce qui m’a un peu gêné car le narrateur ne se soucie pas de ceux qui meurent : ils font partie des dommages collatéraux et n’avaient qu’à ne pas se trouver là au mauvais moment !

IF-1011-3794

Isad - - - ans - 15 octobre 2011


Un monde étrange 8 étoiles

Ce roman de Liliana Lazar est une belle réussite répondant à un fabuleux pari.
Le récit mêle une intrigue policière à des éléments de fantastique ainsi qu’à un portrait historique et social d’une région de Roumanie à l’époque du renversement de Ceaucescu.
Liliana lazar a choisi comme lieu de l’intrigue le village dont elle est originaire et excelle à en recréer l’ambiance, le décor, la vie quotidienne, les croyances et superstitions.
On s’attache au personnage principal, Victor dont on souhaite la rédemption alors même qu’il s’enfonce dans la noirceur. Les personnages sont tour à tour attirants et repoussants et en même temps profondément humains, de cette humanité qui peut trébucher à chaque pas. L’ambiance de cet écrit n’est pas sans évoquer l’univers de Sylvie Germain.
Je vous invite donc à découvrir cette histoire dont volontairement je tais la trame.
Une très belle réussite pour un 1er roman qui a d’ailleurs été récompensé par de nombreux prix.

Bafie - - 64 ans - 25 juillet 2011


Terra dolorosa 8 étoiles

Terre des affranchis a été récompensé en 2010 par un nombre impressionnant de prix dont celui des cinq continents de la francophonie.
Le bandeau rouge cite J.M.G. Le Clézio soi-même: "Vous allez être entraînés par une vague que vous ne contrôlez pas."
Et puis, il y a en couverture de l'édition Babel la reproduction d'un somptueux tableau halluciné de Miriam Escofet, The witching hour.

Or, hallucinée, c'est bien le mot qui convient pour qualifier la lecture de ce roman! A la fois conte contemporain et atemporel, païen et chrétien, entre démonisme et tartufferie, polar historique et féérique, merveilleux et réaliste, ce roman est une perle. Le Clézio ne ment pas: une fois qu'on l'a en main, on ne le lâche plus. L'écriture est efficace, le rythme rapide. Pas un moment d'ennui: le suspense est continu. Des personnages hauts en couleurs se croisent et s'entrecroisent dans les bois du village de Slobozia, de préférence la nuit, sur les pas d'un psychopathe angélique ou d'un tzigane maléfique, dans une Roumanie à jamais stigmatisée par les dents du vampirisme de l'histoire. Captivé par les remous incessants de l'univers mi-familier mi-sauvage de ce roman, j'ai cru jusqu'au bout, candide que je suis, qu'il finirait bien...

Doamne! C'était oublier comme ce monde est mauvais!

Tmichel - - - ans - 2 avril 2011


Le lac ne tiendrait-il pas toutes ses promesses? 4 étoiles

Voici un titre vaste pour une immersion en terre roumaine, ancestrale, rustique et bardée de superstitions. De l’avant Ceausescu et jusqu’aux années 80, le lecteur n’apprendra que peu de choses sinon la constance de l'humain, dans la grandeur ou la bassesse. Que la Roumanie soit religieuse ou communiste, qu’on décroche brutalement insignes et drapeaux, rien ne change vraiment. Les personnages du roman se divisent en deux catégories, les héros, des âmes pures ( rares ) et qui finissent mal en général ( le prêtre torturé, la sœur Eugénia, Daniel le marginal) et des opportuns qui tournent leur veste. De ce roman sans grand effet de style, dans un décor surnaturel, avec ses personnages taillés à la serpe, on se surprendrait presque à espérer un petit dénouement philosophique. Les meurtres se succèdent laissant accroire qu’on se serait trompé de genre. Que nenni! On identifie assez rapidement les criminels (quasiment né en l’état…) lourdauds, le front bas, figés sur leurs pulsions comme Victor surnommé « bœuf muet »… Les victimes sont de jeunes innocentes ou un marginal persécuté par de méchants villageois incultes et superstitieux. J'ai refermé ces deux cent pages, écrasée par le déterminisme ambiant. Avec l’impression d’avoir peu voyagé, sinon dans cette forêt sombre, rivée au lac, qui comme ce premier roman … n’a peut être pas tenu toutes ses promesses.

Peche07 - - 68 ans - 24 juillet 2010