Good night friend de Nicolas Kurtovitch

Good night friend de Nicolas Kurtovitch

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 4 mai 2011 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 78 ans)
La note : 8 étoiles
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Tragédie calédonienne

J’ai rencontré Nicolas Kurtovitch au dernier Salon du livre de Paris et je lui ai acheté ce petit roman qui raconte une histoire calédonienne construite comme une tragédie grecque transplantée sous le soleil de Nouméa. Ce petit livre mêle adroitement les croyances locales ancestrales, la tradition, les pouvoirs occultes et la raison des Blancs avec le fatalisme de la tragédie antique. Le père de Léa a tué le sorcier qui avait inoculé une maladie fatale à sa fille qui refusait ses avances et il s’est livré à la police pour expier sa faute mais le fils du sorcier se fait emprisonner pour une raison vénielle afin d’assumer la vengeance que la tradition locale impose.

La vengeance peut être évitée si le fils aîné de la famille présente le pardon rituel à la famille de la victime, mais ce fils a disparu sans laisser d’indices sur sa destination et Léa se lance à sa recherche dans les squats et dans les brousses où pullulent une faune dangereuse et où elle vivra une aventure douloureuse.

Nicolas a écrit de la poésie et du théâtre avant de se lancer dans la fiction romanesque, il en a gardé le sens de la mise en scène avec des phrases courtes et percutantes comme des répliques, un rythme qui conviendrait à la scène et une langue qui doit encore à la poésie. Il utilise aussi un procédé peu habituel qui consiste à toujours faire parler le narrateur à la première personne même si celui-ci n’est pas toujours le même personnage du roman, une façon de toujours impliquer le lecteur au cœur de l’action.

Un joli petit roman d’une facture originale qui aborde des thèmes très actuels comme la difficulté de ces exilés de l’intérieur qui ont abandonné leur terre, et le nom qui y est attaché, pour rejoindre la ville où ils n’ont aucun repère, où ils ne savent pas guider leurs enfants qui partent à la dérive alcoolisée proposée par le monde des Blancs. Des Européens qui ont construit une ville anarchique pour exploiter la richesse du sol calédonien, le nickel, ce sol qui donne l’identité aux Kanaks et les rattache à un clan. C’est l’histoire d’une civilisation explosée, démantibulée, qui n’arrive pas à concilier la tradition millénaire transmise par les ancêtres avec les règles cartésiennes imposées par les Blancs.

L’irruption des Européens dans un monde qui possédait ses propres règles, sa tradition, ses rites et coutumes, pour construire une ville anarchique qui ne répond qu’à un objectif économique et provoque l’afflux d’une population qui s’entasse dans des squats qui ne sont pas sans évoquer les favelas que Jorge Amado a vu pousser dans « Les pâtres de la nuit » au Brésil. Les autochtones s’égarent dans le labyrinthe de cette ville et ne n’osent pas retourner vers la terre qu’ils ont trahie car chacun « sait que le nom dans la société kanake est la terre, il est Une terre. » Et Léa cherchera son nom, comme sa mère cherchera son territoire, et comme son frère retourne à la nature, dans la même quête identitaire pour redonner un sens à leur vie.

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