L'homme qui savait la langue des serpents de Andrus Kivirähk

L'homme qui savait la langue des serpents de Andrus Kivirähk

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Ndeprez, le 18 février 2013 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 081ème position).
Visites : 8 447 

Un très grand moment de lecture

Magnifique, superbe.. je vais cesser là les superlatifs tant ils risquent de desservir ma critique.
C'est un roman estonien censé se dérouler vers le 13 ème siècle au moment des invasions allemandes. Il narre la vie de Leemet, homme vivant dans la forêt avec ce qu'il reste de son peuple, la plupart ayant décidé de rejoindre les villages répondant "aux sirènes du monde moderne".
Leemet a cette particularité de parler "la langue des serpents", sorte de langage universel dans la forêt qui lui permet de discuter avec la majorité des animaux.
Peu à peu sa famille voit tous leurs amis et voisins partir et la forêt se dépeupler et bientôt ils ne restent qu'une poignée, garants des rites ancestraux.
Chaque jour, il est tenté de rejoindre les villageois, qui pourtant, travaillent dur et "croient en un génie nommé Jésus".


Ce livre est riche par l’ingéniosité de son histoire et tous les symboles qu'il véhicule. Plein d'humour mais aussi très pessimiste on y croise des personnages épatants... un sage complètement fou et dangereux, un ours volage, des poux ayant la taille d'un chien...
L’édition est luxueuse, moi qui râle souvent sur le prix des livres, je n'ai rien trouvé à dire sur celui-ci !
Attention toutefois, le texte dérangera peut-être certains lecteurs par sa violence et son anticléricalisme assumé.
A mes yeux un grand texte.
Merci aux éditions Attila d'avoir édité ce texte, j'ai acquis dans cette même maison d’édition "les cobayes".. A suivre

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Les éditions

  • L'homme qui savait la langue des serpents [Texte imprimé] Andrus Kivirähk traduit de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier
    de Kivirähk, Andrus Minaudier, Jean-Pierre (Traducteur)
    Attila
    ISBN : 9782917084649 ; 19,78 € ; 10/01/2013 ; 421 p. Broché
  • L'homme qui savait la langue des serpents [Texte imprimé] Andrus Kivirähk traduit de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier
    de Kivirähk, Andrus Minaudier, Jean-Pierre (Traducteur)
    le Tripode
    ISBN : 9782370550057 ; 14,42 € ; 01/08/2013 ; 1 vol. (421 p.) p. Broché
  • L'homme qui savait la langue des serpents [Texte imprimé] Andrus Kivirähk traduction de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier
    de Kivirähk, Andrus Minaudier, Jean-Pierre (Traducteur)
    le Tripode / Météores
    ISBN : 9782370550637 ; 13,90 € ; 28/05/2015 ; 480 p. Broché
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Les livres liés

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L'ancien s'en va, remplacé par le nouveau

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 54 ans) - 21 août 2025

J’avais ce livre depuis longtemps dans ma LAL de CL… Et il n’est pas le seul, bien d’autres livres y traînent et plus longtemps encore ! Faut dire que je n’y recours pas beaucoup, à cette LAL… Mais une fois de temps en temps… de rares fois, en fait… un livre y est lu et enfin retiré de cette liste ! Fête ! Presque à sortir le champagne ! Eh bien, c’est ce qui est arrivé à « L’homme qui savait la langue des serpents ». Bravo à lui ! Et valait-il le coup de l’en retirer ? Je dirai que oui !

Quand j’en ai commencé la lecture, je n’en savais rien du contenu, à part de très vagues réminiscences de la lecture des critiques qui m’avaient fait à l’époque cliquer sur « à lire » sur ce titre. Les premières pages m’ont un peu dérouté. Mais qu’est-ce que c’est cette histoire ?? Des ours qui parlent et qui se mettent en couple avec des femmes humaines, une langue de serpent qui se parle en sifflant et qui permet de communiquer avec eux, des anthropopithèques qui élèvent des poux,… Dans quoi étais-je tombé ? Cela m’a semblé être une sorte de fantasy, mais alors une fantasy comme je n'avais lu de pareil nulle part. Alors c’est vrai que par moments, l’histoire m’a semblé vaine et puérile. Mais la force du propos allait au-delà de ces simples fantaisies amusantes.

Toute l’histoire raconte en fait l’inéluctabilité du temps qui passe et qui change les sociétés. Toutes les sociétés humaines sont nées, se sont développées, ont eu leurs apogées, puis ont décliné et ont disparu. Toutes cultures, les rites, les modes de vie, les règles et les croyances qui les régissaient en ont fait de mêmes. Et dans le livre de Andrus Kiviräkh, c’est celui de la société estonienne du 13ème siècle, qui a subi le bouleversement de l’invasion allemande et dans son sillage, de l’expansion du christianisme, et qui a fini par condamner la société archaïque alors en place.

Il y expose aussi les croyances et rites religieux des sociétés en présence, l’antique peuple de la forêt et les nouvelles communautés chrétiennes. Chacun d’elles avait son propre système religieux, qui entre inévitablement en conflit avec l’autre, chacune avec ses croyances erronées et intolérantes. Une critique des religions, donc. Mais aussi, l’immuabilité du changement. L’ancien se meurt, remplacé par le nouveau, nouveau qui à son tour devient ancien et sera remplacé par un autre nouveau.

Voilà de quoi parle ce livre d’Andrus Kiviräkh, auteur absolument inconnu pour moi, et que je découvre être doué d’un talent certain pour la narration (du moins, la traduction en français qui en est donnée). De ce fait, une lente mélancolie imprègne le livre, qui se fait plus poignant à mesure que le récit avance. Il y a aussi de l’humour, de l’absurde et de la violence (beaucoup !). Finalement un excellent livre, qui a sa cohérence de bout en bout, à la lecture plaisante mais avec des passages lassants de niaiserie.

Quand le fantastique représente une réalité condamnée…

10 étoiles

Critique de Reginalda (lyon, Inscrite le 6 juin 2006, 58 ans) - 31 octobre 2019

Je vais me joindre avec enthousiasme au concert de louanges qui a accueilli la parution de ce livre remarquablement traduit. Outre une narration bien menée, une imagination puissante et un humour savoureux, « L’Homme qui savait la langue des serpents » recourt de façon originale et saisissante au fantastique. Si l’on en croit Jean-Pierre Minaudier, son traducteur et préfacier, Andrus Kivirähk puise pour ce faire dans la mythologie nordique. Quoi qu’il en soit, c’est moins par sa nature – même si elle offre au lecteur des créatures et des visions stupéfiantes – que ce fantastique est remarquable que par sa signification. Alors que les récits de fantasy se servent au mieux des créatures fantastiques pour parler du mal et de la face sombre de l’homme (et au pire pour en faire de simples variantes d’ennemis ou d’auxiliaires), le fantastique sert ici le propos à la fois historique et métaphysique de l’auteur. Andrus Kivirähk nous parle ainsi de la perte, de la disparition inéluctable d’un passé pas forcément meilleur, mais précieux parce qu’il est voué à la disparition.
Leemet, le héros et narrateur est le dernier en tout : le dernier garçon né dans la forêt, le dernier à savoir la langue des serpents, le dernier gardien de la salamandre, le dernier habitant de la forêt… Et il va nous livrer le récit poignant de sa vie, où l’on verra disparaître inéluctablement tout ce qui constituait sa réalité. L’auteur ne sombre ni dans la nostalgie ni dans l’idéalisation, mais, de façon extrêmement subtile, se sert du fantastique – la salamandre, les hommes qui parlent aux serpents et aux animaux, la maîtrise des vents… – pour incarner la réalité condamnée. Cela donne un livre d’une richesse prodigieuse, sans le moindre manichéisme.

Merveilleux

9 étoiles

Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 37 ans) - 11 novembre 2015

Ce conte estonien a obtenu le grand prix de l’imaginaire 2014 ; il s’inspire des sagas islandaises et représente un petit trésor d’imaginaire. Je me suis laissée transporter dans cet univers moyenâgeux où Leemet est le dernier homme à savoir la langue des serpents et se désole de la modernité du monde. Les Estoniens dits « peuples de la forêt » la quittent peu à peu pour aller vers les villages et ne mangent plus de viande mais des céréales. Dans le même temps, la religion est devenue centrale après la conquête du pays par des chevaliers-prêtres allemands.
Leemet a pour meilleur ami Ints, un serpent, et vit dans la forêt à la manière d’un sauvage avec sa mère, sa sœur et son oncle. Dans ce monde magique où les femmes tombent amoureuses des ours, où on vole avec des os humains et on chasse les vents, où on élève des poux de la taille d’un chevreuil, où on lèche une pierre pour se nourrir durant l’hiver, Leemet va connaître plein de malheurs et voir son avenir s’assombrir pour faire place à la solitude, le désenchantement.
Au-delà du conte, Andrus Kivirähk cherche à exprimer la violence - l’agressivité culturelle du pouvoir soviétique- la survie des minorités et la nostalgie du temps qui passe. Une belle réflexion et un voyage fantasmagorique à ne pas rater !

Promenons nous dans les bois...

10 étoiles

Critique de Deinos (, Inscrit le 14 février 2009, 63 ans) - 11 mars 2015

... tant que la "modernité" n'y est pas... ou comment vivre dans un monde connaissant de brusques changements... quand le monde du passé s'étiole et se délite... sous la forme d'une fable tant tragique que comique, l'auteur nous confronte à un monde qui bascule... sans prendre de parti, mais en se moquant autant de ceux qui versent dans un traditionalisme dépourvu de sens, dénaturé à force d'idéalisation d'un passé révolu que de ceux qui se perdent dans la modernité au point d'y perdre leur culture, leurs racines... ou l'équilibre n'est peut-être que dans l'acceptation de ce qu'on est au regard d'un monde en mutation...

Après tout le narrateur ne tente-t-il pas de concilier deux univers malgré l'intolérance des uns et des autres, intolérance qui l'amène à une violence extrême avant l'acceptation de sa condition...

Une très agréable et prenante lecture...

la guerre des mondes

6 étoiles

Critique de Ucca (, Inscrit le 13 février 2015, 43 ans) - 21 février 2015

Une fable sympathique, utilisant un ton assez juste, et, comme toute (vraie) fable doit être, sans manichéisme (il ne s'agit pas ici de dire que l'ancien monde était meilleur que le nouveau, loin de là).

Une narration relativement attrayante même si j'ai relevé de-ci de-là certaines lourdeurs gênantes (peut-être du traducteur?).

La postface, (que j'ai trouvée relativement mal écrite, quel dommage!), éclaire un peu mieux certains points du récit.

Sans partager l'avis de beaucoup qui font de ce livre un chef-d’œuvre, je le trouve agréable, et il permet de se rabibocher avec le genre féérique.

"J'étais là, au coeur de la folie moderne"

8 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 55 ans) - 8 février 2015

C’est l’histoire d’un témoignage, c’est un récit qui a pour cadre un temps révolu de manière irrévocable, c’est toute la fin d’un monde qui nous est relatée par l’Estonien Leemet, le dernier homme à connaître la langue des serpents.
C’est toute la vie sylvestre du moyen âge estonien, avec ses rites et ses traditions, qui est anéantie par l’arrivée des Allemands et du christianisme.
Leemet est né à la croisée des chemins, à un moment où beaucoup ont déjà déserté la forêt pour aller au village, s’adonner à de stupides activités pour manger cette chose sans goût qu’est le pain, beaucoup ont déjà renié leurs origines, et tous ont pratiquement oublié la langue des serpents.
Du temps des aïeux de Leemet, tous les hommes la connaissaient, elle garantissait l’équilibre et la paix avec la nature tout entière, son grand-père avait même des crochets à venin dans la bouche et tous les hommes sifflant ensemble réveillaient la Salamandre, animal géant, divin et mythique, qui assurait la prospérité de tous.

Dernier héritier de ce monde dépassé, Leemet souffre d’être le témoin d’une civilisation qui s’écroule, d’être abandonné par ses amis dont les noms se germanisent et pour qui la forêt ne représente plus qu’un univers archaïque auquel il faut renoncer.

Entre fable et pamphlet, un livre qui nous fait voyager dans une autre époque, dans un autre lieu, en somme ailleurs, et réussit à nous émerveiller par ses légendes autant qu’il nous fait réfléchir sur l’éternel débat entre tradition et modernité.
Sans manichéisme aucun, la forêt courait aussi à sa propre perte.
Finalement, ce n’est pas le monde nouveau que Leemet fustige, mais le monde tout court, avec son intolérance, son intransigeance, et ses belles certitudes.

le dernier homme

8 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 50 ans) - 29 août 2013

Tout d'abord, comme le disent Ndeprez et Alouette, l'édition (mise en page et police) est très belle et la superbe couverture rend bien justice au contenu et à l'ambiance du roman en illustrant une des figures centrales de l’histoire, la mystérieuse salamandre.

Le style du roman, lui, m'a d'abord un peu décontenancé, car il mêle à la fois des éléments fantastiques issus des contes et légendes et un pessimisme, une noirceur omniprésente au long du livre, et qui prend de plus en plus de place au cours de l'histoire. Les passages s'apparentant aux contes sont parfois naïfs, voire même enfantins. Les parties les plus noires s'avèrent au contraire violentes, amorales et cruelles.

Le récit de Leemet, le personnage principal, qui peut d'abord ressembler à une farce avec ses personnages décalés, voire grotesques, nourrit une réflexion politique et sociale sur les civilisations. Chaque société croit bien souvent détenir en la matière la civilisation la plus avancée, au risque de l'obscurantisme, voici notamment ce que nous signifie le narrateur. J'ai d'ailleurs apprécié à ce propos que le roman soit relativement nuancé : les villageois, par exemple sont naïfs, obtus et sûrs de leur supériorité, mais les habitants de la forêt les plus conservateurs ne valent pas bien mieux qu'eux dans leur intolérance.

La postface éclaire le lecteur sur l'interprétation qu'on peut faire du roman dans le contexte estonien mais les thèmes, le traitement de l'histoire et le talent de l'auteur font du livre une œuvre universelle.

Ce roman curieux, qui pourra être déroutant pour certains, est une œuvre mélancolique et d'une grande poésie, servie par une narration drôle, débridée, énergique mais plutôt désespérée.

Ssss

8 étoiles

Critique de Alouette (Seine Saint Denis, Inscrite le 8 mai 2008, 40 ans) - 16 mars 2013

La couverture est magnifique. Elle serait une représentation de la Salamandre, animal mythique du monde décrit par l'auteur. Cette créature, profondément endormie, peut être réveillée si un nombre important de personnes maîtrisant la langue des serpents l'appellent au même moment. Sauf que les descendants de ce peuple se détournent de plus en plus de cet apprentissage, quittent les forêts pour habiter dans les villages et préfèrent fabriquer du pain plutôt que de manger de la viande.
Leemet serait donc le dernier "siffleur". Il aimerait bien réveiller cette fameuse Salamandre mais comment faire ? Parallèlement à ces recherches, le jeune homme voit ses amis partir dans les villages et "tourner casaque" : ils sont baptisés, changent de nom (ils prennent un nom latin), et ne veulent plus penser à leur passé mais surtout oublient la langue des serpents (trop difficile à apprendre).

Le très bon point du livre c'est qu'il n'est pas manichéen. Les habitants de la forêt ne sont pas tous des "gentils". Les croyances et les superstitions les rendent parfois aussi ingérables que les villageois.
L'autre bon point du livre est le suivant : un texte est ajouté à la fin de l'ouvrage pour expliquer la portée politique du roman.

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