L'enfant de la haute mer de Jules Supervielle
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles
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Poésie en prose
J’ai choisi ce livre surtout par curiosité, je connaissais Supervielle le poète mais je ne savais pas qu’il avait écrit d’autres choses notamment ce recueil de contes, dit l’éditeur, plutôt de nouvelles fantastiques, selon moi, aussi je voulais découvrir cette autre facette de ce grand auteur. En changeant de genre littéraire, le maître n’a rien perdu de son talent et sa prose fleure bon la poésie qu’il a laissée à la postérité. Les huit petits textes fantastiques qu’il livre dans ce recueil, évoquent des personnages ou des animaux qui évoluent souvent aux confins de la mort en-deçà ou au-delà de la ligne imaginaire qui sépare le monde des vivants de celui des morts. Ils franchissent cette ligne fatidique, ou l’ont déjà franchie, il y a là : la petite fille que son père a tellement rêvée qu’il lui a donné vie, la petite fille noyée qui refuse de vivre dans le monde des noyés et s’évade dans les abysses, le bœuf de la crèche devenu trop vieux qui ne peut pas suivre Joseph, Marie et Jésus sur le dos de l’âne parce qu’il est trop vieux et trop faible, les ombres des anciens habitants de la terre, … tout un petit peuple sorti tout droit de l’imagination féconde de l’auteur, décrit avec une grande finesse dans des histoires qui évoquent « Le petit prince » et qui laissent penser que l’auteur était fort préoccupé par l’idée de la mort et de la vie éventuelle dans l’autre monde au moment où il a écrit ces textes.
Je vous laisse juste cette petite phrase pour vous donner une idée de la beauté et de l’élégance des textes du poète, on frise la poésie en prose : « L’océan devenait vide et elle ne recevait d’autres visites que celles des étoiles filantes ».
Les éditions
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L'Enfant de la haute mer [Texte imprimé] Jules Supervielle
de Supervielle, Jules
Folio
ISBN : 9782070362523 ; 5,70 € ; 16/11/1972 ; 160 p. Poche
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L'imagination en liberté
Critique de Froidmont (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 34 ans) - 8 octobre 2025
Vivre seule, isolée,
Dans un monde irréel,
Sous le vent, les marées,
Le silence et le gel.
Vivre au milieu des vagues
Refusant d’engloutir,
De percer de leurs dagues
Ma forteresse de saphir.
Vivre, pensée magique
Née d’un chagrin marin,
Soupir fantomatique
Qui résonne sans fin.
Un conte magnifique
Tout vibrant de beauté
Et d’un charme lyrique
Plein de simplicité.
Étincelle croquée,
Il ne s’achève pas.
Il brosse une flambée,
Laisse tout en état :
Vacille à la bougie
La flamme du chagrin,
De la mélancolie.
L’éternité pour fin.
Le bœuf et l’âne de la crèche
La croyance coule en ses veines
Comme le poison d’un aspic.
Contre lui toute lutte est vaine,
Escalade d’un rude pic.
La nourriture sur sa langue
Goûte le péché, le soupçon.
Le monde alors vacille et tangue,
Dans ses yeux brûlent des tisons.
Alors sa foi le récompense
En lui accordant le repos.
Le corps allégé, il s’élance
Et son âme s’envole haut.
Le bienheureux sourit peut-être
Au moment où finit son sort ;
Mais on le désigne en trois lettres
D’avoir tant malmené son corps.
J’ai vraiment détesté ce conte.
Mettre la bêtise à l’honneur,
En faire un haut-fait qu’on raconte,
Un modèle qui touche au cœur,
Et que pour prime on le maquille
Sous l’éclatant fard de la foi,
Je ne trouve pas que ça brille :
C’est terne et trompeur à la fois.
L’inconnue de la Seine
Et la vie continue après la mort,
Quand dans les flots obscurs coulent les corps.
Même dans l’eau salée la hiérarchie
Tisse des sociétés qui répudient
Ceux qui vivent encore comme avant,
Ceux qui voilent leur corps de vêtements.
Un conte merveilleux et poétique
Qui, sur un ton léger, un peu critique,
Brosse un sombre portrait de nos rapports
Les uns avec les autres, de nos torts.
Il a cet air naïf qu’ont bien des contes,
Cette fausse candeur qui se démonte,
Cache des profondeurs, des vérités,
Des champs insoupçonnés qu’on a cachés.
Ce mille-feuille de sens, qu’en mon cœur j’aime,
Est l’essence du conte du vingtième.
Les boiteux du ciel
Dans la mort on atteint la grande transparence :
Tout en nous se verra, tout en nous se saura.
La pensée est publique, et la moindre romance
Aussitôt éventée vous échappe des bras.
Mais que nous chaut qu’on voit notre cœur qui balance ?
Qu’on veuille ou qu’on désire rien n’en sortira.
Nos corps sont de fumée, nos corps sans consistance
Ne savent plus aimer. Rien ne tient en nos bras.
Puis un jour la matière achève notre errance.
La fumée se fait chair, la vapeur se fait drap,
Les cœurs battent toujours dans l’ombre et en silence,
La mort redevient vie qu’on serre entre nos bras.
Au premier œil, distrait, la jolie éloquence
Qui habite ce conte me fit embarras.
Je lisais l’œil ailleurs et l’esprit en absence,
Et à ce moment-là, il me tombait des bras.
Alors je le repris, stoppant net ma cadence :
« Ce texte n’est pas dur et tu le comprendras !
Allons, concentre-toi, demi-tour, recommence ;
Il faut être insistant, ne pas baisser les bras ! »
Alors j’ai tout compris, tout de ses élégances.
Ce chemin rebroussé a fait d’un Sahara
Une vaste forêt marquée de luxuriances
Qu’on savoure en marchant bien mieux qu’en chaise-à-bras.
Rani
Belle comme le jour ; moi, laid comme la nuit,
Je comprends qu’à ma vue loin de moi elle ait fui.
Je cache ma laideur hors des bruyants villages,
J’enveloppe mes traits dans l’ombre des feuillages.
Me voilà condamné à n’être pas aimé,
Hanté par la pensée de mon clan que je hais !
Le tigre, le serpent, l’araignée, la panthère
Baiseront mon visage que leurs crocs altèrent,
Et plus laid que jamais un miracle viendra
Qui fera que les femmes me tendront leurs bras.
Mais celle que j’aimais, dans l’ardent chœur fondue,
N’aura plus la saveur de la chair inconnue.
Ce petit conte indien n’était pas très marquant.
Il a pourtant le poids qu’ont les souffles vibrants,
Un ton fort, solennel, un air de parabole,
Mais je n’ai pas vibré, rien en moi qui décolle.
Je n’ai pas adhéré au souffle de Rani,
Il a trop de colère et de bassesse en lui.
La jeune fille à la voix de violon
L’étrangeté peut toujours nous surprendre.
C’est fascinant, mais ne pas s’y méprendre,
Le fond, lui, reste un regard bien hautain
Qui vaut l’aveu d’un jugement malsain.
Quand on est l’œil, il est bien confortable
De l’appuyer sur cet être incroyable ;
Mais pour l’objet, car objet il devient,
Ce regard est comme un ténébreux lien :
Il vous enchaîne à votre différence,
Il vous exclut, vous nimbe de méfiance.
Si bien qu’un jour, quand un plus doux viendra,
Vous y verrez la même noire aura.
Vous efforçant d’être comme les autres,
De vous gommer, faire leur cœur le vôtre,
Y parvenant, votre ventre est troué
Comme du deuil de votre étrangeté.
Admettons-le, c’était un joli conte.
L’idée est belle et le fond la remonte.
Lisez-le donc bien attentivement
Pour l’écriture et son enseignement.
Les suites d’une course
Si je veux nommer une chaise
Avec mon nom, que ça me plaise,
Si la chaise assurément meurt
(Admettons juste cette horreur),
Deviendrais-je aussi une chaise
Conçue pour garantir les aises
D’un bon millier de postérieurs ?
Tant de beauté et de laideur !
Ce conte étrange par son thème
M’indiffère autant que je l’aime.
C’était absurde et amusant,
Mais comme un gentil mot plaisant :
On l’apprécie et on l’oublie.
Ainsi ces opposés s’allient.
L’homme qui en cheval se fit
M’a fait penser à Buzzati.
La piste et la mare
L’envie et le désir
D’avoir, de se saisir
D’un objet dont on rêve,
D’un objet qu’on élève
A un rang supérieur,
Nécessité de cœur.
Le désir et l’envie
D’arracher une vie
Pour avoir cet objet,
Le garder à jamais.
Vivre l’esprit tranquille
Loin des lois de la ville.
Un jour comme une nuit
Deux grands phares ont lui
Qui ont éloigné l’ombre
Et ses mensonges sombres.
La justice a trouvé
Et elle a condamné.
Celui-là je l’adore
Et même plus encore.
C’est le plus distrayant
Et donc le plus plaisant.
Sa prose est moins profonde
Sans manquer de faconde.
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