Jacaranda de Gaël Faye

Jacaranda de Gaël Faye

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par CHALOT, le 14 novembre 2024 (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 77 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 796ème position).
Visites : 2 846 

Une guérison impossible !

Milan est né de l'union d'un français et d'une rwandaise. Il vient de rentrer en 6ème et un jour ses parents accueillent chez lui un petit garçon noir. Il apprendra plus tard que Claude est le frère de sa mère. Ces deux petits vont sympathiser mais très vite , Claude va repartir. Quel est son secret ? Pourquoi Claude a-t-il une large blessure à la tête.
Voici le premier contact que Milan, métis "blanc" va avoir avec ses origines maternelles. Ces deux garçons se reverront au Rwanda et, effaré , catastrophé, horrifié, Milan découvre le massacre de 1994.
Intéressé par cette histoire, ce retour au génocide de 1994, je me passionne pour ces victimes et pour cette période de réconciliation impossible.
Quant au titre de ce livre , c'est une énigme...attendez la fin du livre, ce sera bien assez tôt.
C'est l'histoire d'une famille et surtout d'un pays, d'un peuple qui cherche à se reconstruire, sans oublier mais en essayant de panser ses plaies encore béantes.
Le début du livre coule doucement avant que peu à peu une angoisse saisit le lecteur qui très vite est pris dans un suspense qui respire l'authenticité dramatique.

Jean François Chalot

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Les éditions

  • Jacaranda [Texte imprimé], roman
    de Faye, Gaël
    B. Grasset
    ISBN : 9782246831457 ; 20,90 € ; 14/08/2024 ; 288 p. Broché
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Un arbre, ses branches et ses racines

9 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 67 ans) - 20 août 2025

En 1994, Milan est en sixième et utilise l’argument de la guerre pour expliquer la chute de sa moyenne scolaire.
Sa mère, arrivée en 1973 est originaire du Rwanda, sans que jamais elle n’évoque son pays, son passé, son voyage jusqu’en France. malgré les images d’horreur des massacres.
Puis, arrive à la fin de l’été un petit garçon chétif gravement blessé à la tête. ; elle le présente comme son neveu, qu’elle va héberger. Presque aussitôt, Milan et Claude construisent une relation fraternelle ; qui perdurera au fils des ans.

C’est la séparation de ses parents qui permettra à Milan de découvrir le Rwanda où sa mère le laissera seul chez son amie Eusébie, maman solitaire d’une petite Stella, et de sa grand-mère Rosalie.
"Eusébie m’ouvrait les bras comme jamais ma mère ne l’avait fait."
Milan découvre un autre monde , il en veut à sa mère de ne pas l’avoir préparé, de l’avoir laissé dans l’ignorance.
Il retrouvera Claude et fera connaissance de Sartre qui recueille et héberge des orphelins, rescapés du massacre de 1994 des tutsis par les hutus.

Milan reviendra au Rwanda. Ou cet " homme perdu, y trouvera sa place, celle que sa mère lui avait refusé pour le sauver". Au fil des mois et des années, il se sentira rwandais.
Et c’est Stella qui livrera à Milan la véritable histoire de son pays. Et on découvre l’origine des noms hutu et tutsi au temps de la monarchie, puis l’arrivée des occidentaux,
Milan découvrira aussi le passé atroce d’Eusébie, et son incroyable volonté de tourner une page en en reconstruisant une vie, transformant son pays, sa ville.
"Tu y crois à la réconciliation et au pardon ? Non... je suis une survivante.j’ai vu comment ces gens se sont comportés. Mais les procès sont absolument nécessaires pour les générations d’après. Pour Stella et toi. Grâce à ce que l’on faut aujourd’hui, vous arriverez à cohabiter avec leurs enfants. C’est mon espoir."

Beaucoup d’émotions dans ce récit magnifique, une sensibilité omniprésente et une très belle écriture.

Une société de défiance à jamais

10 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 89 ans) - 1 août 2025

Au moment du génocide rwandais, en avril 1994, le jeune Milan, né de père français et de mère rwandaise, vit en Europe. Il n’a jamais mis les pieds au Rwanda. L’arrivée chez lui d’un membre de sa famille, un jeune rwandais de son âge qui a échappé au massacre des Tutsis, va le pousser à faire la connaissance de ce mystérieux pays.

Le jeune Milan est le narrateur et le livre est construit en suivant la chronologie de ses déplacements entre l’Europe et l’Afrique. Au Rwanda, il est à la recherche de sa famille et fait la connaissance du pays à travers les personnages qu’il rencontre. Le génocide est évoqué par les rares rescapés Tutsis qui acceptent de témoigner lors de séances de mémorisation. Parfois des récits plus personnels sont obtenus en famille après de multiples sollicitations. Et puis il y a dans la famille une ancêtre qui, elle, raconte un siècle d’Histoire du Rwanda. Avec ça nous sommes au courant de ce qui s’est passé.

On reproche souvent à l’Histoire d’être racontée par les vainqueurs. Ici, c’est l’Histoire racontée par les victimes et il n’est pas dit qu’elle soit plus objective pour la cause. Les raisons du génocide ne sont pas très claires. Les Tutsis sont d’anciens nomades arrivés au Rwanda il y a plusieurs siècles. Ils sont éleveurs, ils sont minoritaires mais plus cultivés et dominateurs. Les Hutus sont là depuis plus longtemps, ils sont plus nombreux et sont cultivateurs. Mais on apprend qu’autrefois, du temps de la royauté, quand le roi donnait du bétail à un Hutu il devenait Tutsi. Alors, faut-il croire finalement, que le génocide avait des raisons plus sociales que ethniques ? Depuis les siècles de cohabitation, les ethnies se sont tellement mélangées qu’elles sont complètement dissoutes l’une dans l’autre. On se demande alors à quoi ils se reconnaissent. Mais il n’est pas question de chercher ici les raisons du génocide, ce n’est pas l’objet du livre.

L’objet du livre est de montrer comment se passe la vie au Rwanda aujourd’hui. Les rancœurs sont tenaces ; du côté Hutu on regrette de ne pas avoir « terminé le travail », comme ils disent. Du côté Tutsi, la haine couve encore et le goût de la vengeance entraîne à commettre encore bien des crimes. C’est très curieux, ces communautés vivent ensemble, parlent la même langue, fréquentent les mêmes lieux mais la haine qui les anime est plus tenace que jamais. On a choisit son camp pour toujours et on se définit par ce qu’on est : Hutu ou Tutsi.
Mais pourtant, il n’y a aucun machisme dans ce récit. Il y a bien sûr les bons et les mauvais, les massacreurs et les massacrés. Mais l’auteur nous montre, sans aucune grandiloquence, qu’il y a eu des gens des deux côtés qui se sont conduits en justes, et qui aujourd’hui pardonnent et veulent la réconciliation. De nouvelles amitiés arrivent à se nouer mais elles sont rarissimes et l’auteur nous dit regretter qu’il y ait désormais au Rwanda « une société de défiance à jamais ».

Ce livre a un accent de vérité et de vécu qui en fait un témoignage absolument exceptionnel en même temps qu’une histoire remarquablement bien racontée. Et tout ça dans une écriture agréable au possible, avec des dialogues qui font mouche, sans digression inutile et sans jamais de longueur ennuyeuse. C’est une magnifique page d’Histoire d’un pays qui, Dieu sait pourquoi, nous est cher, en même temps qu’un excellent moment de lecture qu’on ne sera pas près d’oublier.

Retour dans un pays où il n'est jamais allé

7 étoiles

Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 72 ans) - 25 février 2025

A 11 ans, Milan est frôlé par la guerre civile du Rwanda sous la forme de l'arrivée impromptue d'un cousin, Claude, un peu plus âgé que lui. Claude restera quelques temps et repartira aussi brutalement qu'il est arrivé.

La mère de Milan, née au Rwanda, ne racontera jamais rien sur son pays et ne répondra jamais aux questions de son fils.
Milan ressentira le besoin d'aller dans ce pays, pour comprendre, pour rencontrer les membres de la famille de sa mère.
Après avoir découvert la ville, es quartiers, il va à la rencontre, des modes de vie, des traditions, de sa famille maternelle. Il finira par s'installer dans ce pays. Difficile de dire si c'est le manque de réelles racines qui le fait rester pour se construire des racines ou s'il a un souhait inconscient d'une forme de rédemption par rapport à ce qu'a vécu son oncle maternelle.

Le roman propose plusieurs situations : celui qui est à l'étranger et n'a pas vécu ce qui s'est passé dans ce pays dont il est partiellement issu, celui qui a été déchiré entre le pays en guerre et un pays en paix, celui qui est resté dans ce pays durant tout le conflit. C'est aussi comment le pays va se reconstruire, comment les victimes et les bourreaux, maintenant obligés de se côtoyer, vont réussir à se reconstruire, comment certains, conscients d ce qu'ils ont commis, cherchent à se racheter.
C'est donc un foisonnement de situations à travers des personnages très bien esquissés mais pour lesquels l'auteur laisse des parts inconnues, permettant au lecteur de s'interroger.

Une écriture agréable, sans prétention, laissant au lecteur la place pour ses propres réflexions.

Le passé durement dévoilé

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 58 ans) - 4 décembre 2024

Milan ne connait rien du passé de sa mère rwandaise. Entre eux, le silence est épais et la communication très difficile. Un jour, alors qu’il a douze ans, Claude, un jeune garçon de son âge débarque, mutique et blessé à la tête, directement de ce pays torturé. Enfin, Milan a un frère et ses parents lui disent qu’il va rester car il n’a plus de famille. Milan le prend sous son aile, lui apprend le français, le berce lors de ses cauchemars quotidiens…
En 1998, Milan part au Rwanda avec sa mère qui doit accomplir des démarches administratives et qui n’est plus revenue dans son pays depuis vingt-cinq ans. C’est alors qu'un coin du voile commence à se lever sur le passé de sa famille...
Que de détours pour enfin découvrir les vérités du passé tant le silence est lourd ! Gaël Faye décrit bien le poids de cette chape de plomb et les séquelles des massacres dans les cœurs et les têtes, dans les relations et les comportements.
Un roman dense, poignant dans ses témoignages, qui permet au lecteur de prendre la dimension humaine, à hauteur d'homme et de femme, du génocide.

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