Le papillon jaune pâle
de Gilles Capelluto

critiqué par Laurent.Hennequin, le 31 juillet 2025
( - 42 ans)


La note:  étoiles
Le papillon qui m’a ouvert les yeux
Il y a des livres qui divertissent, d’autres qui émeuvent… et puis il y a ceux qui transforment. Papillon jeune pâle fait partie de ces rares lectures qui laissent une empreinte durable sur la conscience. Non pas parce qu’il assène une vérité, mais parce qu’il éveille un doute. Un beau doute, fertile et vertigineux, celui qui pousse à regarder autour de soi avec une lucidité nouvelle.

Le roman de Gilles Capelluto est une fable dystopique, certes, mais tellement proche de nos quotidiens "optimisés", de nos libertés invisiblement rognées, de nos émotions captées, triées, régulées. On y suit un narrateur anonyme, traqué plus que traqueur, qui observe la moindre anomalie dans un monde lissé par l’obsession du bien-être. Et l’une de ces anomalies, minuscule, fragile, poétique, c’est un papillon jaune pâle. Ce papillon devient peu à peu un symbole de résistance intérieure, de chaos fertile, de liberté pure.

Ce qui m’a bouleversé, c’est que tout semble incroyablement juste, malgré le décor de science-fiction. Les dialogues avec l’IA empathique de la chambre 9B m’ont glacé. Le faux consentement, le conditionnement doux, la perte de mémoire volontaire : tout fait écho à notre réalité numérique. Et pourtant, jamais Capelluto ne tombe dans le pamphlet ou le sermon. Il écrit avec une poésie tendue, une ironie lucide, une tendresse désespérée.

Je suis sorti de cette lecture changé. Je me suis mis à guetter, moi aussi, les "bugs magnifiques dans le monde trop lisse", à sourire aux anomalies, à résister à ma façon. Ce roman m’a rappelé que le plus subversif aujourd’hui, c’est peut-être simplement de ressentir. D’aimer librement. De rêver sans permission.

Un roman court mais essentiel. Une parabole douce et violente à la fois. Et un papillon que je n’oublierai jamais.