La berceuse d'Antigone de Séverine Terrier
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Comme une tragédie grecque
Dans un texte très élaboré, moderne, chorégraphique : les phrases semblent danser sous la plume de Sévérine pour retrouver le fil de l’histoire qu’elle ne semble pas suivre très scrupuleusement. Elle délaisse une chronologie trop rigoureuse pour plutôt se fier aux impressions et ressentis éprouvés par les personnages qu’elle met en scène dans cette histoire mythologique. Une histoire qui évoque la vie et surtout le déboires et les malheurs de la famille de la narratrice, Jeanne, qui, à quarante-cinq ans, après le décès de sa sœur aînée, décide d’écrire un texte sur, ou plutôt avec, Antigone dont la tragédie l’a subjuguée quad elle était encore adolescente.
Jeanne est la petite dernière d’une famille de quatre enfants comme Antigone dans celle d’Œdipe et Jocaste. Comme Antigone elle a deux frères aînés, Paul le plus âgé qui correspondrait à Polynice et un plus jeune Aymeric qui serait le pendant d’Etéocle, et une grande sœur qui correspondrait à Ismène. Jeanne n’est pas la bienvenue, elle est le souffre-douleur de la famille mais surtout de sa mère, elle comprend vite qu’elle n’est pas la fille du père qu’on veut lui faire accepter. Malgré toutes ses questions personne ne veut lui dire qui est son géniteur mais à force de chercher, elle commence à avoir des doutes et à semer la zizanie dans la famille.
La vie de la famille est très bouleversée, les malheurs se succèdent et s’enchaînent comme dans une tragédie grecque. La mère est très malade mais elle réussit à survivre grâce à la musique, dit-elle. Inès décède d’un cancer quand Jeanne a quarante-cinq ans, Paul l’avait déjà précédée dans la tombe. Léa, la cousine, est internée pour des problèmes psychiatriques Aymeric perd son épouse et son enfant dans un accident de voiture. Jeanne essaie de se reconstruire après le décès de sa sœur, elle trouve sa voie dans la chant et la musique qu’elle enseigne avec une amie à des enfants handicapés. Lorenzo, son mari qui travaille dans le monde circassien, met en musique le texte qu’elle a écrit avec sa collègue. Ce texte dont elle a inclus des extraits dans le cours de son roman.
Avec ce texte mis en musique, elle réunit les deux mondes où elle a l’impression de vivre : un monde extérieur évoqué par le chant et un monde intérieur décrit par l’écriture. Ainsi, comme sa mère a trouvé la rédemption par la musique, elle trouve la sienne par le chant. La mère devenue très exubérante après sa longue maladie et le père très mutique n’arrivent à donner une âme à leur famille où la violence règne souvent. La malédiction semble l’avoir frappée comme elle a frappé celle des Labdacides dans la tragédie de Sophocle.
Le chant lui permet d’exprimer toutes les violences qu’elle a subies dans son enfance : attouchements par le podologue, viol par un membre de la famille et de comprendre tout ce que sa mère a elle aussi subi dans la sienne. La malédiction transgénérationnelle. Ainsi Jeanna a pu ouvrir la boîte à secrets hermétiquement scellées au fond de son être comme la grotte d’Antigone.
L’histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement ? Qu’un éternel combat entre les générations ? Qu’une éternelle malédiction transmise d’une génération à l’autre ? Jeanne s’interroge, Séverine nous interroge !
Les éditions
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La berceuse d'Antigone
de Terrier, Séverine
MEO
ISBN : 9782807004832 ; 17,00 € ; 23/01/2025 ; 144 p. Broché
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